jeudi 25 novembre 2010

Management hospitalier: soins recherchent sens désespérément

La théorie "Z" pour le système de soins?

"Nous n'espérons d'autres avantages que d'être remarqués et considérés, rien que d'être remarqués et considérés, rien que d'être regardés avec attention, avec sympathie et approbation. Il y va de notre vanité, non de nos aises ou de notre plaisir." Adam Smith - cité par Daniel Cohen "La prospérité du vice"

Voilà sans aucun doute pour les nouveaux mandarins la morale supposée des nouveaux tâcherons de l'hôpital, qu'ils soient ou non médecins. Tentons ici un peu de sociologie des organisations dans la suite des théories "X" et "Y" de Mc Gregor et de la théorie "Z" d'Ouchi.

Théorie X:
Il faut restructurer d'urgence selon les règles de survie économique qui nous sont imposées parce qu'elles sont implacables et internationales. Nous savons qu'il faut sacrifier des activités indispensables au territoire mais nous n'avons pas le choix. La T2A est le pire système à l'exclusion de tous les autres et il faut faire la part du feu.
Les statuts de la fonction publique sont devenus un obstacle majeur aux manipulations d'incitatifs pour des agents qui ont perdu l'habitude de travailler.
On sauvera ainsi les soins les plus urgents et vitaux, et ce qu'on pourra de la recherche clinique en préservant des masses critiques suffisantes.
Résultat: le modèle segmenté et concurrentiel de production des soins associé à des indicateurs myopes et à court terme coulent "l'hôpital entreprise" par la baisse de la qualité des "produits" et de la compétitivité.


Théorie Y:
Les acteurs du soin, pour la plupart d'entre eux, aiment avant tout le travail bien fait et qui a du sens, pourvu qu'on leur permette de faire ce qu'ils savent faire.
L'expertise des équipes cliniques s'est construite sur la combinaison de savoirs implicites qui doivent pouvoir se développer sous forme de savoir-faire professionnels, de coeurs de compétences stables et pérennes, avant de pouvoir s'extérioriser en savoirs académiques ou en données factuelles.
Résultat: les contraintes du modèle segmenté et concurrentiel de production des soins, associé au coté "club med" dans un seul pays ou dans une seule institution, coulent "l'hôpital 'entreprise" par la baisse de la qualité des "produits" et de la compétitivité.


Théorie Z: les parties prenantes légitimes, dont les usagers, se mettent autour d'une table, aux différents niveaux de la gouvernance, tombent d'accord sur la nécessité de parler des dysfonctionnements réels de l'hôpital public et essaient de trouver quelque chose qui ne soit ni l'euthanasie bureaucratique de X ni l'angélisme trop souvent exterminateur de Y?

La "théorie Z" est un livre de Wiliam Ouchi qui a décrit un mode de fonctionnement d'entreprises à régulation "clanique" / professionnelle modèle bien adapté aux hôpitaux et universités - ("clanique" n'est pas plus péjoratif que bureaucratie professionnelle en théorie des organisations). Les préconisations sont assez proche des 14 points de Deming.

Bien loin d'une telle démarche qui impliquerait les stakeholders, les parties prenantes de l'hôpital entreprise, le rationnement programmé des soins intimement lié à une budgétisation myope de l'assurance maladie, en conformité aux nouveaux dogmes de la gouvernance par les finances publiques, tente de substituer une bureaucratie au service de ses agences (Nouvelle Gestion Publique et loi HPST du 21 juillet 2009), à ce qui a été considéré un peu trop vite comme une bureaucratie au service de ses agents (Kervasdoué, "l'hôpital vu du lit"). Le système de régulation et de contrôle "top down" qui se déploie aujourd'hui dans l'ensemble du système de soins est une mauvaise coproduction franco-américaine de bureaucratie libérale (David Giauque). "L'émergence d'un Etat gestionnaire libéral" selon Edouard Couty marque "le retour en force de l'Etat dans le contrôle général du système" avec la dénaturation complète de la logique des contrats par une pyramide hiérarchique contraire aux vertus supposées du pseudo-marché créé par la T2A, tandis que "la suppression du service public hospitalier est acté", dans le paradigme déferlant des services économiques d'intérêt général.
Réforme soviétique ou ultra-libérale? A coup sûr une réforme qui va à l'encontre de ses objectifs comme le soulignait Kervasdoué et qui produit déjà dans un rationnement sauvage baisse tendancielle de la qualité des soins, loin de la l'enfumage lénifiant du public par les palmarès d'hôpitaux, destruction administrative des équipes cliniques et de la motivation des soignants, désespérément en quête de sens.
Concluons avec Couty qu'il s'agit de refonder un cadre de référence partagé réaffirmant "les valeurs de solidarité et d'équité qui fondent le service public hospitalier et donnent du sens à l'action des professionnels".

« Le troisième et dernier devoir du souverain est d’entretenir ces ouvrages ou ces établissements publics dont une grande société retire d’immenses avantages, mais sont néanmoins de nature à ne pouvoir être entrepris ou entretenus par un ou plusieurs particuliers, attendu que, pour ceux-ci, le profit ne saurait jamais leur en rembourser la dépense.» Adam Smith, manifestement d'un libéralisme économique ici très modéré et promoteur d'un système non marchand porteur de politiques publiques d'intérêt collectif: un service public?

Hôpital public : le grand virage - Edouard Couty dans:
Les tribunes de la santé - Sève 28, automne 2010 La privatisation de la santé (l'article n'est pas en ligne)

La théorie "Z" - William Ouchi

Schéma théorie X et Y
Théorie X et Y de Mc Gregor
Le paradoxe de l'industriel et de l'artisan

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