vendredi 15 mars 2013

Voyage au centre de la dysorganisation: la boite noire, l'ingénieur et le processus



Ubu gestionnaire de risques?

"Entre la paranoïa, la rationalisation et la rationalité, il n'y a pas de frontière nette." Edgar Morin

Je le répète: le mythe du marché efficient sert un ajustement politique plus rapide des dépenses, par l'asphyxie financière, par les restructurations induites par les pseudo-marchés, voire par la vente par appartements de l'offre de soins publique et de l'assurance maladie au secteur marchand. Toutefois, il faut se rendre à l'évidence, le processus de management descendant du "macro" vers le "micro-économique" est essentiellement de type "soviétique". Il est d'une part empêtré dans le vérificationnisme d'un modèle "expert" de contre-performance absolue, le "management public", qui a engendré une spirale de la défiance politique et sociale en pensant en finir un peu vite avec les bureaucraties légales-rationnelles de Max Weber, et il est d'autre part noyé par une incontinence réglementaire à nulle autre pareille, que déplore à juste titre Jean de Kervasdoué.

Un cercle vicieux? Les pompiers pyromanes et les "transgresseurs contrôlés" comme Jean de Kervasdoué, qui ont beau jeu de dénoncer un hôpital soviétique, continuent à reprocher aux professionnels et /ou aux directeurs qu'ils ont faits tout-puissants une incoordination des parcours dont ils sont bien les premiers responsables! On crée de nouveaux "machins" gestionnaires de coopération et de nouveaux métiers dont les "sortologues" pour lutter contre une fragmentation qu'on a cessé d'aggraver entre soins et social. Incontinence gestionnaire, incurie organisationnelle et iatrogenèse managériale vont de pair!

Nous n'étions pas nés marchand, hélas nous le sommes devenus (Batifoulier) dans un mécanisme de prophétie auto-réalisatrice que les Cassandre avaient prévu. La greffe néo-libérale n'a fait qu'accélérer les effets désastreux du Nouveau Management Public.

Les critiques récurrentes du reporting exponentiel, si coûteux et si contre-productif qui accable les cadres médicaux mais surtout paramédicaux ainsi détournés de la clinique, les protestation argumentées à propos de mesures toujours plus absurdes tirées d'heuristiques de disponibilité de données qui masquent le "travail réel", deviennent quasiment impossibles à énoncer, sauf à risquer un suicide professionnel y compris aujourd'hui pour les médecins. Si la concurrence régulée (managed competition) reste un pilier de la doxa néo-managérialiste, l'analyse des processus par les technostructures moins que semi-habiles n'en continue pas moins son travail synergique de destruction massive de la qualité des soins. Les "boites noires" ne sont pas si aisées à ouvrir que le prétend la religion officielle de rationalisation à outrance. L'effet conjoint de ces croyances, nous le constatons au quotidien, dans les pertes de chances, des défauts de soins d'orientations et d'accompagnement, les gaps, et surtout la confusion de concepts dans une novlangue gestionnaire qui ne sait produire que de la perte de sens, de la démotivation au travail, du désenchantement voire du burn out des soignants.

Il faut lire ces extraits édifiants et , pardonnez moi, ô combien ubuesques de projets d'instructions de la CNAMTS.
Qui ne voit que la Gestion Des Risques se confond ici avec le modèle de performance publique de l'OCDE et avec la "gestion axée sur les résultats" de la LOLF?

Les syndicats de médecins peuvent à juste titre s'émouvoir s'émouvoir de l'absence de volonté politique de réformer la loi HPST au delà d'un léger habillage cosmétique, mais l'observation des enceintes mentales et des souricières cognitives dont témoignent les textes ci-dessous démontre bien qu'on n'est pas prêt de voir émerger le leadership médical à sa juste place dans la gouvernance qui s'annonce. Si le problème est international il s'inscrit chez nous dans des équations régionales et nationales toutes particulières.


Eléments de contexte
L’analyse transversale de cinq processus de soins réalisée par l’assurance maladie et 
publiée dans le rapport sur les « charges et produits pour l’année 2013 » a permis de mettre 
en lumière l’importance d’exploiter des marges de manœuvre nouvelles afin d’améliorer la 
qualité et l’accessibilité aux soins tout en optimisant les ressources disponibles. 
Les actions identifiées par l’assurance maladie dans le cadre de ces « processus de soins » 
relèvent dans leur grande majorité de trois catégories de leviers :
• les actions liées au levier « prix » (des médicaments, des actes, etc.) qui dépendent 
en grande partie du niveau national ;
• les actions relatives à l’offre de soins, dont certaines dépendent également du niveau 
national : textes réglementaires sur les conditions techniques de fonctionnement et 
conditions d’autorisation des établissements, plans de santé publique qui créent des 
filières et parcours de soins, conventions avec les professionnels libéraux, réformes 
de financement et campagnes financières qui impactent directement les évolutions 
etc. D’autres actions relatives à l’« offre de soins » dépendent du niveau régional. Il 
s’agit souvent d’actions en lien direct avec des actions de GDR (développement de la 
chirurgie ambulatoire, par exemple) ;
• les actions liées à la production ou à l’actualisation de référentiels et de 
recommandations de bonnes pratiques, qui s’inscrivent dans une perspective de 
moyen terme et qui relèvent en particulier de la HAS. 
Les “processus de soins” concernés par cette démarche sont relatifs aux pathologies ou 
interventions suivantes:
  • cancer colorectal ;
  • arthroplastie du genou ;
  • chirurgie des hernies et traitement des varices ;
  • insuffisance cardiaque ;
  • diabète.
Cette démarche « processus de soins » est complémentaire des programmes de gestion du 
risque initiés en 2010 et aux actions mises en place par les ARS pour améliorer les parcours 
de soins. Les actions développées relèvent d’une mise en œuvre régionale ou nationale. La 
démarche est co-pilotée au niveau national par la CNAMTS, la DSS, la DGOS, la DGS et le 
SG. Elle fera l’objet d’un suivi dans le cadre du COPIL GDR et du CNP.
A horizon 2017, la CNAMTS estime que la mise en œuvre de toutes les mesures associées 
aux cinq processus de soins pourrait générer une économie de 1,6Mds€.


L’analyse transversale de plusieurs processus de soins, réalisée par l’Assurance Maladie et 
publiée dans le rapport sur les « charges et produits pour l’année 2013 », a mis en lumière 
l’importance d’exploiter des marges de manœuvre nouvelles afin d’améliorer la qualité des
soins et leur accessibilité tout en optimisant les ressources disponibles.
Ainsi – dans le cadre de la démarche GDR conduite par les ARS – sera développée une 
approche « par processus de soins, en analysant, pour un ensemble de problèmes de santé, 
différentes étapes dans ce processus […] et en recherchant systématiquement les 
améliorations possibles en termes de qualité, de résultats de santé et de coût »
.
Conclusion: Pour ceux qui n'ont pas encore bien assimilé le nouveau paradigme de l'action publique, je vous rappelle l'excellent modèle de double fonction de production de Patrick Gibert


Ils peuvent aussi relire Chandler: "la main visible des managers" qui décrit bien l'émergence des entreprises multidivisionnelles (fondées sur la standardisation et les centres de résultats) que nous avons hélas pris en modèle, en l’appauvrissant bien sûr risque nos "pôles" (divisions)  ne sont ni autonomes, ni constitués pour pouvoir l'être. Histoire de changer de Mintzberg et de Galbraith père et fils (-:

Chandler avait insuffisamment perçu le poids croissant des NTIC: lisez d'urgence "la pensée powerpoint" qui complète merveilleusement cette histoire du lien entre néo-management,  NTIC et... dé-professionnalisation.

 Webographie (nouveautés sur le site d'ubulogie clinique)

Désenchantement des soins et iatrogenèse managériale

2. Ubu ingénieur de filière: un modèle de cercle vicieux

Voici un modèle anglais de cercle vicieux adapté en français et qu'on peut appliquer à toutes les maladies et états chroniques handicapants quelle que soit l'étiologie et à n'importe quel âge. Il faudra le traduire en français en l’adaptant à notre système de soins. Ce cercle vicieux s'oppose au modèle linéaire français des "filières", qu'elles soient centrées sur des catégories causales (AVC, traumatisés crâniens, cancer, addictions...) ou centrées sur les hospitalisations non programmées (filières SAU centrées articulées aux fusions d'hôpitaux). Ce schéma anglais, à partir des points saillants difficilement contestables mis en exergue à chaque étape, peut recevoir des explications causales complémentaires relatives à l'organisation et au financement des soins (enveloppes, planification, gouvernance, tarification et modèles d'incitations sous-jacents).
A rapprocher de Redefining Healcare (MIchael Porter critique les formes actuelles de la managed competition, mais propose hélas d'en sortir par la value-based competition)


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